OSER LA DEFENDRE EN SON INVIOLABILITE. Résumé : La doctrine catholique

Quels sont les éléments de la doctrine catholique condamnant les violences faites aux femmes ?

I. L'anthropologie chrétienne

L'enseignement du magistère de l'Église catholique sur l'inviolabilité de la dignité de la femme se trouve d'abord dans les affirmations générales relatives à la dignité humaine et ensuite dans des considérations sur la situation particulière de la femme.

1° La dignité inaliénable de la personne humaine

Se basant sur la Révélation divine, la foi chrétienne confesse la dignité inaliénable de la personne humaine pour au moins 4 raisons .

Premièrement, l'être humain est une créature à qui a été conférée une très haute dignité, du fait qu'il a été placé au sommet de l'action créatrice de Dieu. En effet, tout en étant apparenté à la poussière de la terre (cf. Gn 2,7 ; Gn 3,19 ; Jb 34,15 ; Ps 103,14 ; Ps 104,29), il est le fruit d'une décision spéciale de la part de Dieu, d'une délibération qui établit un lien particulier et spécifique avec le Créateur : « Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance » (Gn 1,26).

Deuxièmement, la vie que Dieu offre à l'être humain est un don par lequel Dieu fait participer sa créature à quelque chose de lui-même, un signe de sa présence, une trace de sa gloire (cf. Gn 1,26-27 ; Ps 8,6 ; Si 17,3).

Troisièmement, le primat de l'être humain sur toute la création est affirmé dans le fait que tout, dans la création, est ordonné à l'être humain et lui est soumis (cf. Gn 1, 28 ; Gn 2,15).

Quatrièmement, la dignité de l'être humain est confirmée dans la rédemption : « Dans le Christ et par le Christ, Dieu s'est révélé pleinement à l'humanité et s'est définitivement rendu proche d'elle; en même temps, dans le Christ et par le Christ, l'homme a acquis une pleine conscience de sa dignité, de son élévation, de la valeur transcendante de l'humanité elle-même, du sens de son existence. (…) nous pouvons et nous devons d'ores et déjà parvenir à notre unité et la manifester: en annonçant le mystère du Christ, en montrant la dimension à la fois divine et humaine de la Rédemption, en luttant avec une persévérance inlassable pour cette dignité que chaque homme a atteinte et peut atteindre continuellement dans le Christ et qui est la dignité de la grâce de l'adoption divine et en même temps la dignité de la vérité intérieure de l'humanité» (RH 11 ; cf. CL 37)

Cette reconnaissance effective de la dignité personnelle de tout être humain a des implications immédiates (cf. GS 29 ; CL 37-38) :

L'égalité fondamentale de tous les êtres humains en tant qu'ils ont même nature et même origine, jouissant d'une même vocation et d'une même destinée divine.

Toute forme de discrimination touchant les droits fondamentaux de la personne, qu'elle soit sociale ou culturelle, qu'elle soit fondée sur le sexe, la race, la couleur de la peau, la condition sociale, la langue ou la religion, doit être dépassée et éliminée, comme contraire au dessein de Dieu.

L'être humain constitue une valeur en lui-même et pour lui-même. Il doit être considéré et traité comme tel et jamais comme un objet, un instrument ou chose dont on se sert.

D'où l'exigence du respect de tout être humain et l'inviolabilité de la personne humaine, parce qu'il est reflet de l'absolue inviolabilité de Dieu Lui-même.

D'où aussi l'exigence de la défense et de la promotion des droits naturels, universels et inviolables de la personne humaine, tels que le droit à la santé, au logement, au travail, à la famille, à la culture. Personne, ni l'individu, ni le groupe, ni une autorité, ni l'État, ne peut les modifier, encore moins les supprimer, parce que ces droits procèdent de Dieu Lui-même.

C'est pour cette raison que « Découvrir et faire découvrir la dignité inviolable de toute personne humaine constitue une tâche essentielle et même, en un certain sens, la tâche centrale et unifiante du service que l'Église, et en elle les fidèles laïcs, est appelée à rendre à la famille des hommes » (CL 37).

2° Porter atteinte à la dignité de la femme, c'est insulter l'honneur du créateur

La Révélation nous apprend que « L'homme et la femme sont créés, c'est-à-dire ils sont voulus par Dieu: dans une parfaite égalité en tant que personnes humaines, d'une part, et d'autre part dans leur être respectif d'homme et de femme. "Être homme", "être femme" est une réalité bonne et voulue par Dieu: l'homme et la femme ont une dignité inamissible qui leur vient immédiatement de Dieu leur créateur (cf. Gn 2,7.22). L'homme et la femme sont, avec une même dignité, à l'image de Dieu » (CEC 369). C'est pour cela que le concile Vatican II avait dénoncé certaines situations vécues par la femme comme des « insultes » graves au créateur : « tout ce qui constitue une violation de l'intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques; tout ce qui est offense à la dignité de l'homme, comme les conditions de vie sous humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l'esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable: toutes ces pratiques et d'autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu'elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s'y livrent plue encore que ceux qui les subissent et insultent gravement à l'honneur du Créateur. » (GS 27).

Sous le pontificat de Paul VI, l'appel au respect de la dignité de la femme comme être humain, à l'instar de la dignité d'autres catégories de personnes, fut réitéré à plusieurs reprises :

S'inspirant des enseignements de Vatican II (cf. GS 9 & 29), le pape Paul VI estimait qu'une action vigoureuse devait être entreprise dans la société où existent des nouvelles formes d'esclavage et de dégradation de la femme, avec l'urgence de rendre le climat de la vie publique plus moral, plus sain, plus respectueux de la dignité de la femme. Et ce, au nom de l'égalité foncière entre l'homme et la femme constamment enseignée par l'Église . Il proposait alors qu'une des tâches urgentes, à laquelle tous les baptisés devaient s'efforcer de coopérer selon leurs moyens, soit d'assainir les mentalités afin de construire une société plus humaine, par l'information et l'éducation, notamment en travaillant partout à faire découvrir, respecter, protéger les droits et les prérogatives de toute femme .

Toujours durant le pontificat de Paul VI, le Saint Siège a manifesté l'engagement de toute l'Église catholique pour le combat relatif au respect de la femme comme personne humaine, en participant activement aux initiatives de l'ONU en faveur de la promotion de la dignité de la femme (tout en prenant une certaine distance par rapport au féminisme radical ).

Le pape Jean-Paul II poursuivit cette dynamique. En 1981, il rappelait que la question de la discrimination envers la femme devait être replacée dans le contexte d'une mentalité courante du mépris de l'être humain en tant que tel : « Malheureusement, le message chrétien sur la dignité de la femme est contredit par la mentalité persistante qui considère l'être humain non comme une personne mais comme une chose, comme un objet d'achat ou de vente, au service de l'intérêt égoïste et du seul plaisir. La première victime d'une telle mentalité est la femme. Cette mentalité produit des fruits très amers, comme le mépris de l'homme et de la femme, l'esclavage, l'oppression des faibles, la pornographie, la prostitution - surtout quand elle est organisée - et toutes les formes de discrimination que l'on trouve dans le domaine de l'éducation, de la profession, de la rétribution du travail, etc. En outre, aujourd'hui encore, dans une grande partie de notre société subsistent de nombreuses formes de discrimination avilissante qui atteignent et offensent gravement certaines catégories particulières de femmes, comme par exemple les épouses sans enfants, les veuves, les femmes séparées, les divorcées, les mères célibataires » (FC 24).

Quelques années plus tard, le pape Jean-Paul II écrivit deux textes importants relatifs à la question féminine : Mulieris dignitatem (sur la dignité de la femme) en 1988 et Lettre aux femmes en 1995. Plus tard, il précisa qu'en travaillant pour le respect de la dignité de la femme, on touche en fait la question de la chosification de l'être humain en tant que tel : « Il y a encore tant d'efforts à faire, en de nombreuses parties du monde et en divers milieux, pour que soit détruite la mentalité injuste et délétère qui considère l'être humain comme une chose, une marchandise, un instrument mis au service de l'intérêt égoïste et de la recherche du plaisir, d'autant plus que, de pareille mentalité, c'est la femme qui est la première victime. La reconnaissance franche et nette de la dignité personnelle de la femme constitue le premier pas à faire pour promouvoir sa pleine participation tant à la vie de l'Église qu'à la vie sociale et publique » (CL 49).

Toujours selon le pape Jean-Paul II, travailler à la défense de la dignité de la femme comme personne humaine ayant des droits inviolables, c'est faire un premier pas vers la promotion de la dignité de toutes les autres catégories de personnes dont la dignité humaine est bafouée. L'Église s'engage « dans une action pastorale spécifique plus vigoureuse et plus incisive afin que, à partir de la promotion féminine, soient définitivement éliminées tout ce qui empêche l'estime de l'image de Dieu qui resplendit en tout être humain sans aucune exception » (FC 24). Dans sa Lettre aux femmes, le pape Jean-Paul II évoqua un nouveau thème : le devoir de parole et l'impératif de réagir, car il n'est pas chrétien de se taire ou de se résigner devant des structures de péché dont on est victime, aussi bien dans la famille, dans la société que dans l'Église : « En considérant l'un des aspects les plus délicats de la situation des femmes dans le monde, comment ne pas rappeler la longue et humiliante histoire - fréquemment " souterraine " - d'abus commis à l'encontre des femmes dans le domaine de la sexualité? A la veille du troisième millénaire, nous ne pouvons rester impassibles face à ce phénomène, ni nous y résigner. Il est temps de condamner avec force, en suscitant des instruments législatifs appropriés de défense, les formes de violence sexuelle qui ont bien souvent les femmes pour objet. Au nom du respect de la personne, nous ne pouvons pas non plus ne pas dénoncer la culture hédoniste et mercantile fort répandue qui prône l'exploitation systématique de la sexualité, poussant même les filles dès leur plus jeune âge à tomber dans les circuits de la corruption et à faire de leur corps une marchandise » (LF 5).

Cette dynamique du discours magistériel de l'Église catholique amène tout naturellement à condamner, avec la plus grande vigueur, les violences faites à la femme, tant du point de vue physique que des points de vue psychique, social et institutionnel, en situation de paix ou en situation de guerre : « toute violation de la dignité personnelle de l'être humain crie vengeance en présence de Dieu et devient une offense au Créateur de l'homme. » (CL 37).



II. Les commandements divins au service du respect de la dignité humaine

Ne pas respecter la dignité de la personne humaine, insiste le pape Jean-Paul II dans plusieurs de ses interventions, c'est s'inscrire dans une logique de la « mort » du prochain et non pas celle de l'épanouissement de sa vie. Pour que tout être humain s'épanouisse dans son inaliénable dignité, précise-t-il, Dieu propose que les individus et sociétés optent pour une « culture de vie » : « L'injonction claire et forte de Moïse s'adresse à nous aussi: "Vois, je te propose aujourd'hui vie et bonheur, mort et malheur. Je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez " (Dt 30,15-19). Cette injonction convient tout autant à nous qui devons choisir tous les jours entre la " culture de vie " et la " culture de mort ". Mais l'appel du Deutéronome est encore plus profond, parce qu'il nous demande un choix à proprement parler religieux et moral. Il s'agit de donner à son existence une orientation fondamentale et de vivre fidèlement en accord avec la loi du Seigneur : "Écoute les commandements que je te donne aujourd'hui : aimer le Seigneur ton Dieu, marcher dans ses chemins, garder ses ordres, ses commandements et ses décrets. Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez, aimant le Seigneur ton Dieu, écoutant sa voix, t'attachant à lui ; car là est ta vie, ainsi que la longue durée de ton séjour sur la terre" (Dt 30,16 30,19-20). » (EV 28)

Cette proposition se trouve notamment condensée dans ce qu'on appelle communément « les dix commandements » (cf. Ex 20,1-17; Dt 5,6-22) : communiqués dans le contexte du grand événement libérateur de l'Exode, ils constituent un véritable « don de Dieu » pour aider les croyants à connaître le chemin de vie (cf. Dt 30,14). Dieu fait cadeau de la Loi pour que son peuple connaisse la vie en abondance et ne vive pas dans la servitude du péché (cf. Dt 5,22).

Les dix commandements renvoient l'un à l'autre et se conditionnent réciproquement (cf. Jc 2,10-11) : on ne peut adorer Dieu sans aimer tous les humains et on ne peut pas non plus honorer autrui sans bénir Dieu son Créateur. Quelques-uns de ces commandements réfèrent plus directement au respect de la dignité de la personne humaine et à la non-violence envers le prochain.

1° Le cinquième commandement : aimer et honorer la vie du prochain

Les principales violences dont sont victimes les êtres humains en général comportent une atteinte à l'intégrité physique de la personne. Le cinquième commandement , qui invite à ne pas commettre de meurtre (Ex 20,13), est relatif au respect, à l'amour et à la promotion de la vie humaine. Son fondement se situe dans le fait que "La vie humaine est sacrée parce que, dès son origine, elle comporte l'action créatrice de Dieu et demeure pour toujours dans une relation spéciale avec le Créateur, son unique fin. Dieu seul est le maître de la vie de son commencement à son terme: personne en aucune circonstance ne peut revendiquer pour soi le droit de détruire directement un être humain innocent" (CEC 2258).

Le livre de l'exode précise ainsi l'interdit du 5e commandement: « Tu ne tueras pas l'innocent ni le juste » (Ex 23,7), car le meurtre volontaire d'un innocent est gravement contraire à la dignité de l'être humain, à la règle d'or et à la sainteté du Créateur.

Selon ce commandement, est proscrit comme gravement peccamineux l'homicide direct et volontaire. Le meurtrier et ceux qui coopèrent volontairement au meurtre commettent un péché qui crie vengeance au ciel (cf. Gn 4,10). Il est également interdit de faire quoi que ce soit dans l'intention de provoquer indirectement la mort d'une personne, d'exposer sans raison grave quelqu'un à un risque mortel ou encore de refuser l'assistance à une personne en danger.

Les enlèvements, tortures ainsi que mutilations sur les êtres humains (catégories dont relèvent notamment les excisions, les sévices sexuels et les rapts des femmes en période de guerre) font aussi partie de l'éthique du cinquième commandement : « Les enlèvements et la prise d'otages font régner la terreur et, par la menace, exercent d'intolérables pressions sur les victimes. Ils sont moralement illégitimes. Le terrorisme sans discrimination menace, blesse et tue; il est gravement contraire à la justice et à la charité. La torture qui use de violence physique ou morale pour arracher des aveux, pour châtier des coupables, effrayer des opposants, satisfaire la haine est contraire au respect de la personne et de la dignité humaine. En dehors d'indications médicales d'ordre strictement thérapeutique, les amputations, mutilations ou stérilisations directement volontaires des personnes innocentes sont contraires à la loi morale. » (CEC 2297)

En définitive, « Le service que nous sommes tous appelés à rendre à notre prochain est donc un service d'amour, pour que la vie du prochain soit toujours défendue et promue, mais surtout quand elle est la plus faible ou la plus menacée. C'est une sollicitude personnelle, mais aussi sociale, que nous devons tous développer, en faisant du respect inconditionnel de la vie humaine le fondement d'une société renouvelée. Il nous est demandé d'aimer et d'honorer la vie de tout homme et de toute femme, et de travailler avec constance et avec courage pour qu'en notre temps, traversé par trop de signes de mort, s'instaure enfin une nouvelle culture de la vie, fruit de la culture de la vérité et de l'amour. » (EV 77)

2° Les sixième et neuvième commandements : refus de chosifier autrui et son intimité

C'est « du cœur des hommes que sortent les intentions mauvaises, inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidité, perversités, ruse, débauche, envie, injures, vanité, déraison » (Mt 7,21-22). Et le fond du cœur humain peut en arriver à considérer le prochain, non pas comme une personne ayant la même dignité et le droit au même respect que soi, mais plutôt comme une chose à manipuler à sa guise. Ce regard chosifiant produit des atteintes graves à l'intégrité physique et morale d'autrui dans le domaine de la sexualité.

Le sixième commandement , qui invite à ne pas commettre d'adultère (Ex 20,14 ; Dt 5,17), est relatif à la qualité du regard posé sur le prochain, comme le Christ le précise lui-même : « Vous avez entendu qu'il a été dit: "Tu ne commettras pas d'adultère". Eh bien! Moi je vous dis: Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, dans son cœur, l'adultère avec elle » (Mt 5,27-28). Ce commandement stigmatise notamment :

Le viol comme une véritable atteinte à la justice et à la charité. Acte intrinsèquement mauvais, le viol blesse profondément le droit de chacun au respect, à la liberté, à l'intégrité physique et morale. Il crée un préjudice grave, qui peut marquer la victime sa vie durant (cf. CEC 2356).

Le viol et abus sexuels perpétrés par des adultes sur des enfants ou adolescents confiés à leur garde, qui se doublent d'une violation de la responsabilité éducative. Ces actes extrêmement graves marquent les victimes toute leur vie et constituent une atteinte grave à leur épanouissement normal (cf. CEC 2389).

L'inceste, qui corrompt les relations familiales et marque une régression vers l'animalité (cf. CEC 2356 + 2388).

Le neuvième commandement y revient en pointant, comme une des causes de la violence faite au prochain, la convoitise du bien de l'autre, y compris sa personne ou une partie de son corps : « Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, rien de ce qui est à ton prochain » (Ex 20,17).

Le neuvième commandement révèle que l'enjeu du sixième commandement est finalement la pudeur : le respect de l'intimité d'autrui et de sa dignité inaliénable conditionne le regard et les gestes à son égard (cf. CEC 2521). La pudeur est le reflet d'un cœur rempli de la charité, qui préfère dominer le « péché tapi à la porte » (cf. Gn 4,7) de son cœur plutôt que de réduire son frère ou à sa sœur à un objet sexuel : « L'amour ne fait aucun tort au prochain; l'amour est donc le plein accomplissement de la loi. » (Rm 13,10).

3° Le septième commandement : refus de vendre ou d'acheter un être humain

Le rapt, le proxénétisme et l'esclavage sexuel des femmes constituent un aspect non négligeable des violences faites aux femmes en RD Congo. Le septième commandement, qui invite à ne pas commettre de vol (Ex 20,15 ; Dt 5,19) et à ne pas faire du tort au prochain en ses biens, de quelque manière que ce soit , pointe aussi le fait que l'être humain ne peut être réduit à une marchandise.

En effet, le septième commandement nous apprend que l'être humain est atteint dans sa dignité lorsqu'il est réduit à une valeur d'usage ou à une source de profit économique : « Le septième commandement proscrit les actes ou entreprises qui, pour quelque raison que ce soit, égoïste ou idéologique, mercantile ou totalitaire, conduisent à asservir des êtres humains, à méconnaître leur dignité personnelle, à les acheter, à les vendre et à les échanger comme des marchandises. C'est un péché contre la dignité des personnes et leurs droits fondamentaux que de les réduire par la violence à une valeur d'usage ou à une source de profit. S. Paul ordonnait à un maître chrétien de traiter son esclave chrétien "non plus comme un esclave, mais comme un frère ..., comme un homme, dans le Seigneur" (Phm 1,16) ». (CEC 2414)

Ainsi, la recherche de la richesse et du bien-être ne peut jamais justifier l'atteinte à la dignité de la personne humaine, des familles et des communautés humaines, sous quelque forme que ce soit.

Ces commandements au service de la défense et de la promotion de l'inaliénable dignité humaine mériteraient donc d'être approfondis dans nos communautés chrétiennes.



III. Les synodes africain sur l'Afrique : promouvoir le respect de la femme

Le Message du synode africain (6 mai 1994), comportait une déclaration aux femmes africaines, dont le premier paragraphe commençait ainsi : « Hommage à vous, nos mères, nos sœurs ! Ce synode de l'espérance a réfléchi sur les aliénations qui pèsent sur vous. Elles proviennent de la rencontre mal réussie de notre vision traditionnelle de l'homme et de la modernité. A ce titre, elles manifestent au grand jour une des formes majeures de la structure de péché où gisent nos sociétés africaines. Elles proviennent aussi des structures injustes du monde actuel en lui-même » .

C'est que les évêques portaient la situation de la femme africaine dans leurs cœurs et leurs préoccupations. Dans quelle perspective les évêques réunis au synode de 1994 ont-il réfléchi sur la situation de la femme africaine, spécialement les atteintes à sa dignité ?

1° La situation de la femme africaine : une question de « justice et paix »

Les évêques réunis en synode sur l'Afrique en 1994 ont estimé que le cadre le plus pertinent pour parler du thème de la femme sur le continent africain est celui de « Justice et paix ». En effet, dans son rapport d'introduction le 11 avril 1994, le cardinal Thiandoum affirmait notamment ceci en ce qui concerne les questions de justice et de paix sur le continent africain :

« Le rôle des femmes dans la société mérite une attention particulière. (…) Il y a lieu d'examiner de manière critique, à la lumière de l'évangile, les aspects des cultures africaines qui promeuvent ou du moins tolèrent les attitudes négatives envers la femme. La femme africaine doit pouvoir compter sur l'Église pour défendre ses droits de personne humaine et encourager son véritable rôle … » . Il répéta la même idée le 22 avril, en rapporteur général du synode : « La condition de la femme en Afrique laisse encore beaucoup à désirer. L'Église doit soutenir leur libération et leur donner une plus grande place en son sein » .

L'exhortation apostolique « Ecclesia in Africa » a résumé toute cette dynamique en classant les femmes d'Afrique parmi les catégories les plus touchées par les atteintes à la dignité de la personne humaine, précisant que l'Église « déplore et condamne, dans la mesure où elles persistent dans diverses sociétés africaines, toutes les coutumes et pratiques qui privent les femmes de leurs droits et du respect qui leur est dû » (EA 121).

En situant la défense de la dignité de la femme dans les questions de justice et de paix, l'épiscopat africain s'inscrit tout simplement dans une conviction chrétienne rappelée lors du synode sur l'évangélisation : la Rédemption « atteint les situations très concrètes de l'injustice à combattre et de la justice à restaurer. On ne peut accomplir l'évangélisation sans promouvoir l'authentique croissance humaine dans la justice et la paix véritables » (EN 31).

C'est dans cette dynamique que le carrefour anglais E fit remarquer que « La justice et la paix font partie de l'Évangile, la construction et la promotion du Royaume de Dieu se faisant en ce monde. Il existe des domaines qui demandent des interventions urgentes : gouvernants et gouvernements iniques, structures sociales oppressantes, en particulier pour les femmes, les jeunes, les enfants, les pauvres, les réfugiés, etc. Une oppression économique à un plus haut niveau vient de la dette extérieure » .

Pour que les violations de la dignité de la femme cessent, les évêques réunis en synode en 1994 ont estimé qu'il fallait s'attaquer aux causes profondes, notamment en travaillant à ce que la dignité de la personne humaine en générale soit promue et respectée.