ATELIERS THEOLOGIQUES

Dans le cadre de la Collection "Bible et femmes en Afrique", soeur Josée Ngalula organise des "Ateliers théologiques", qui sont des forums de débats interdisciplinaires entre femmes africaines, pour aider les femmes africaines à ne pas être complices de la dégradation de leur propre dignité, au nom d'une mauvaise compréhension de la foi

PROBLEMATIQUE
D'une manière générale, les traditions africaines apprennent à la femme, dès son jeune âge, à protester peu et à beaucoup endurer. Or il arrive que, dans des situations d'injustice, cette attitude devienne un véritable frein pour l'avènement d'une société plus juste, lorsque les victimes taisent les injustices graves portant atteinte à la dignité humaine.
Aujourd'hui, cette attitude est parfois justifiée 'à tort) par des références chrétiennes. En effet, combien de personnes victimes de la violence ne se sont-elles pas résignées à leur triste sort, suite à des discours non nuancés sur le pardon et la résignation ? Combien de femmes n'ont-elles pas gardé le silence sur des atrocités subies, du simple fait de se croire "filles" d'Ève "destinées" depuis l’origine à la souffrance ? Combien de femmes ne se sont-elles pas laissées mutiler, malmener et exploiter suite à des interprétations des versets bibliques allant dans le sens de l’infériorisation de la femme ou sa chosification par l’homme, etc. ? Ainsi, une certaine manière de réagir à la violence au nom de notre foi chrétienne peut nous transformer en victimes silencieuses, empêchant, par le fait même, la prise en charge par qui de droit, ou encore les sanctions justes contre les auteurs des délits. Pour des personnes secrétant de telles convictions, toute campagne de sensibilisation sur les droits humains est vouée à l'échec. Des centres d'accueil pour une aide psychologique recevront des personnes tellement persuadées que leur sort est « normal » aux yeux de Dieu, qu’elles ne collaboreront pas à leur propre guérison ou à la lutte contre l’impunité. Se laisser convaincre que Dieu cautionne les violences que nous subissons, nous transforme en personnes qui ne s’engageront pas pour l’amélioration de la situation. Or telle n'est pas la Bonne Nouvelle du salut que Jésus-Christ est venu nous apporter !
Un autre phénomène qui caractérise notre société actuelle est l’interprétation fondamentaliste de la Bible. En effet, des prédicateurs mal initiés à la lecture de la Bible s'appuient non pas sur des principes d'analyse herméneutique, mais sur certaines coutumes africaines. Ces prédicateurs convient les femmes victimes de violence au silence, sous prétexte qu’une femme qui se « respecte » doit éviter des scandales publics en cas d’une atteinte grave à sa dignité humaine ! Ainsi encourage-t-on, en milieux chrétiens, des arrangements à l'amiable qui laissent les auteurs des violences dans l'impunité, facilitant ainsi la récidive. Dans certains milieux, les femmes violées sont mêmes méprisées et exclues des milieux ecclésiaux, et stigmatisées comme des pécheresses ou des débauchées, alors qu'elles sont des victimes qui ont droit à la compassion de la part des témoins de Jésus Christ.
Pire encore, beaucoup de milieux dits chrétiens et qui organisent des activités caritatives en faveur des femmes victimes de la violence se dépêchent souvent d’apporter des conseils spirituels ou moraux, ou encore de faire des séances de délivrance du « démon du viol », mais en négligeant les soins médicaux des victimes. Et on ignore certaines banalités, notamment le fait qu'une femme violentée a des blessures physiques qui doivent recevoir des soins spécifiques ; qu'il existe des instruments juridiques dans le pays pour interpeller les auteurs de ces délits ; qu'un arrangement à l'amiable peut se révéler un acte criminel du point de vue du respect de la dignité humaine !

Il est donc très important d'aider les femmes victimes (et aussi les actrices) de la violence de saisir correctement la relation entre les convictions religieuses et la perpétuation des violences faites aux femmes. Bien comprises et capitalisées, les affirmations bibliques mettant en valeur la dignité de la femme comme image de Dieu, le devoir de rechercher la justice, etc. peuvent devenir des leviers puissant pour transformer les victimes résignées en personnes debout.

C'est pour cette raison qu'une des activités de la collection "Bible et femme en Afrique" est l'organisation, quand les conditions financières le permettent, des "Ateliers théologiques" interdisciplinaires, dans lesquels des questions concrètes qui touchent aux violences vécues par les femmes africaines sont abordées d'une manière interdisciplinaires : approche anthropologique, sociologique, théologique, etc. Tout entre femmes.

ATELIERS THEOLOGIQUES DEJA ORGANISES
- Le premier atélier théologique a eu lieu en 2005 : il a réuni une centaines des femmes engagées dans la lutte contre les violences faites aux femmes et l'accompagnement des victimes. Dans l'approche sociologique, on a écouté les témoignages des femmes victimes et mésuré la profondeur de leurs souffrances; on a aussi écouté les personnes et institutions qui les aident, et on a découvert la complexité des problèmes. Dans l'approche anthropologique, les spécialistes nous ont fait découvrir les lieux où, culturellement, les femmes africaines victimes des violences ont le plus mal, là où on n'ose pas parler, ce qui fait qu'on a peur de dénoncer. L'approche judiciaire a montré les lieux où il faut encore lutter pour qu'il y ait plus de justice; l'approche médicale a montré la gravité des conséquences de certaines violences. L'approche théologique et pastorale a montré d'une part la responsabilité des chrétiens dans la perpétuation de certains clichés culturels qui sont "maquillés" par des versets bibliques et la juste interprétation de certains passages de la Bible comme lieu de libération des femmes victimes elles-mêmes et des communautés chrétiennes qui doivent les aider à bien comprendre que le pardon ne signifie pas absence de justice, que la violence ne doit pas détruire la dignité reçue de Dieu, etc. Les actes de cet atelier ont été publiés dans (Collectif sous la direction de Josée Ngalula) Oser la défendre en son inviolabilité. Actes de l’Atelier Religions et violences faites aux femmes, Kinshasa du 2 au 4 juin 2005, 176 p. Un des fruits de cet atelier c'est qu'on a commencé à parler ouvertement des questions de violences faites aux femmes dans les milieux catholiques. Cet ouvrage, distribué gratuitement aux agents pastoraux, a servi de point de départ pour conscientiser les prêtres et les évêques sur le fait que le urregard général sur les femmes victimes des violences est plus le réflet des traditions africaines tapies dans leur inconscient que du regard de Jésus, que beaucoup de leurs conseils invitent à un type de résignation qui est contraire à l'esprit du Nouveau Testament. Cet ouvrage a beaucoup servi pour la préparation du synode africain qui était centré sur le problème de paix-justice-reconciliation : les arguments théologiques présents dans ce livre ont permis de convaincre les évêques africains de condamner publiquement les viols sur le continent africain, et culturellement, c'est un pas énorme.

- Le deuxième atélier théologique a eu lieu en 2006 : il a réuni une centaine de femmes veuves, pour dialoguer avec les sociologues, anthropologues et théologiennes, autour d'une réalité culturelle qui fait souffrir profondément des femmes congolaises : les violences faites aux veuves par la belle-famille après le décès de son mari. Les témoignages des victimes et les sociologues nous ont fait découvrir qu'on est en plein dans un type de violence originale : violence interne au monde des femmes, avec un acharnement particulier sur le corps de la veuve. Les anthropologues nous ont aidé à découvrir la dynamique culturelle conscience ou inconsciente qui anime les femmes auteurs de ces violences, codifiées et tolérées jusqu'à un certain niveau par toute la société. Les théologiennes ont aidé les veuves victimes de ces violences et ayant intériorisé l'infériorisation sociale de leur état (suite à la violence subie) le regard combien valorisant que Dieu pose sur eux, et les responsabilités de défenses des veuves qui en découlent pour les communautés chrétiennes. Les théologiennes ont aussi montré que certains "bricolages pastoraux" dans la recherche de l'aide aux veuves victimes des violences peuvent devenir de nouveaux lieux d'infériorisation et d'exploitation des femmes naïves, au nom d' abus d'autorité pastorale. Les actes de cet atélier ont été publiés dans (Collectif sous la direction de Josée Ngalula), Le corps féminin, lieu singulier de rencontre entre Évangile et coutumes africaines. Volume 1. Rites de purification des veuves: des traditions africaines à la liturgie chrétienne. Kinshasa, Éditions Mont Sinaï, 2006, 144 p. Les actes de cet atelier ont permis au mouvement catholique des veuves de l'archidiocèse de Kinshasa d'avoir des arguments bibliques et théologiques pour ne plus obéir aveuglement aux coutumes ancestrales qui consacrent les violences sur les veuves; cela a permis aux autorités diocésaines de découvrir que certains "bricolages pastoraux" étaient de nouveaux lieux de violences psychologiques sur les veuves; cela a permis de rédiger une petite plaquette permettant aux veuves de connaître leurs droits dans l'Eglise et leurs droits du point de vue de l'Etat,  pour accuser en justice des personnes qui les ont violentées ou qui veulent le faire. Cette plaquette porte le titre suivant : Oser la défendre en son inviolabilité. Volume 2. Le peuple de Dieu en diaconie protectrice des veuves: données bibliques et juridiques. Kinshasa, Éditions Mont Sinaï, 2006, 27 pages. 
- Le troisième atelier théologique a eu lieu en 2010 et a porté sur les violences que la femme fait sur son propre corps pour séduire l'homme. Cet atelier a réuni une vingtaine de femmes, venues échanger sur les différentes démarches de séduction que la femme utilise, spécialement au niveau de son ventre et parties intimes. Quelques femmes ont témoigné de l'éducation reçu des grands-mères sur ce sujet; des sociologues ont fait des enquêtes montrant l'ampleur du phénomènes; des femmes des sciences ont étudié les maladies qui en découlent; des anthropologues ont montré la pression psychologique exercée par la concurrence entre femmes pour la perpétuation de certaines pratiques très dangereuses pour la santé de la femme. Malheureusement, peu de femmes ont accepté de témoigner, à cause de la pudeur. La mobilisation n'a pas pu bien se faire, ni pour des raisons financières. L'Atelier doit être repris, avec plus des femmes, pour qu'on puisse vraiment entendre son expérience et la faire dialoguer avec les données bibliques.